Quelques mots dans le thème de la guerre et de la paix
Bellum, i n la guerre
Caedes, is, f massacre
Clades,is f défaite
Foedus (eris, n) facere : passer un traité
Foedus rumpere : rompre un traité
Fuga, ae, f fuite
Hostis, is, m ennemi
Imperator, oris, m général en chef
Impetus, us m assaut
Incido, is, ere, cidi tomber sur, attaquer
Indutiae, arum f pl la trève
Insidiae, arum, f pl : guet-apens
Legatus, i m ambassadeur
Obses, idis m otage
Pactum, i, n pacte
Pax, pacis f paix
Praeda, ae, f butin
Praemium, ii, n récompense
Rapina, ae, f pillage
Socius, ii m l’allié
Stipendium, ii, n solde
Triumpho, as, are recevoir les honneurs du triomphe
Vasto, as, are dévaster
Victor, oris, vainqueur
Victoria, ae f victoire
[6] VI. - Dès sa jeunesse, Jugurtha, fort, beau, surtout doué d'une vigoureuse intelligence, ne se laissa pas corrompre par le luxe et la mollesse, mais, suivant l'habitude numide, il montait à cheval, lançait le trait, luttait à la course avec les jeunes gens de son âge, et, l'emportant sur tous, leur resta pourtant cher à tous ; il passait presque tout son temps à la chasse, le premier, ou dans les premiers, à abattre le lion et les autres bêtes féroces, agissant plus que les autres, parlant peu de lui. Tous ces mérites firent d'abord la joie de Micipsa, qui comptait profiter, pour la gloire de son règne, du courage de Jugurtha. Mais il comprit vite qu'il était lui-même un vieillard, que ses enfants étaient petits et que cet adolescent prenait chaque jour plus de force tout troublé par ces faits, il roulait mille pensées dans son esprit. Il songeait avec effroi que la nature humaine est avide d'autorité et toute portée à réaliser ses désirs ; que son âge et celui de ses fils offrait une belle occasion, que l'espoir du succès aurait fait saisir, même à un homme ordinaire ; il méditait sur la vive sympathie des Numides pour Jugurtha et se disait, que, à faire massacrer par traîtrise un homme pareil, il risquait un soulèvement ou une guerre. | [6] Qui ubi primum adoleuit, pollens uiribus, decora facie, sed multo maxime ingenio ualidus, non se luxu neque inertiae corrumpendum dedit, sed, uti mos gentis illius est, equitare, iaculari; cursu cum aequalibus certare et, cum omnis gloria anteiret, omnibus tamen carus esse; ad hoc pleraque tempora in uenando agere, leonem atque alias feras primus aut in primis ferire: plurimum facere, {et} minimum ipse de se loqui. Quibus rebus Micipsa tametsi initio laetus fuerat, existimans uirtutem Iugurthae regno suo gloriae fore, tamen, postquam hominem adulescentem exacta sua aetate et paruis liberis magis magisque crescere intellegit, uehementer eo negotio permotus multa cum animo suo uoluebat. Terrebat eum natura mortalium auida imperi et praeceps ad explendam animi cupidinem, praeterea opportunitas suae liberorumque aetatis, quae etiam mediocris uiros spe praedae transuersos agit, ad hoc studia Numidarum in Iugurtham accensa, ex quibus, si talem uirum dolis interfecisset, ne qua seditio aut bellum oriretur, anxius erat. |
[7] VII. - Tourmenté par ces difficultés, il se rend bientôt compte que ni la violence, ni la ruse ne pourront le débarrasser d'un homme aussi populaire ; mais, comme Jugurtha était prompt à l'action et avide de gloire militaire, il décide de l'exposer aux dangers et, par ce moyen, de courir sa chance. Pendant la guerre de Numance, il envoya aux Romains des renforts de cavalerie et d'infanterie ; et, dans l'espoir que Jugurtha succomberait aisément, victime de son courage ou de la cruauté ennemie, il le mit à la tête des Numides qu'il expédiait en Espagne. Mais l'issue fut tout autre qu'il n'avait pensé. Jugurtha était naturellement actif et vif. Sitôt qu'il eut compris la nature et le caractère de Scipion, général en chef de l'armée romaine, et la tactique ennemie, par ses efforts, son application, son obéissance, sa modestie, son initiative devant le danger, il arriva bien vite à une telle réputation, qu'il conquit l'affection des Romains et terrifia les Numantins. Et vraiment, il avait résolu le problème d'être à la fois intrépide au combat et sage dans le conseil, problème difficile, l'un de ces mérites faisant dégénérer la prudence en timidité, comme l'autre, le courage en témérité. Aussi, le général en chef confiait-il à Jugurtha toutes les affaires un peu rudes, le tenait-il pour un ami, montrait-il, de jour en jour, plus d'affection à un homme qui jamais n'échouait dans ses projets ni dans ses entreprises. A ces qualités s'ajoutaient une générosité et une finesse qui avaient créé, entre beaucoup de Romains et lui, des liens très étroits d'amitié. | [7] His difficultatibus circumuentus ubi uidet neque per uim neque insidiis opprimi posse hominem tam acceptum popularibus, quod erat Iugurtha manu promptus et appetens gloriae militaris, statuit eum obiectare periculis et eo modo fortunam temptare. Igitur bello Numantino Micipsa, cum populo Romano equitum atque peditum auxilia mitteret, sperans uel ostentando uirtutem uel hostium saeuitia facile eum occasurum, praefecit Numidis, quos in Hispaniam mittebat. Sed ea res longe aliter, ac ratus erat, euenit. Nam Iugurtha, ut erat impigro atque acri ingenio, ubi naturam P- Scipionis, qui tum Romanis imperator erat, et morem hostium cognouit, multo labore multaque cura, praeterea modestissime parendo et saepe obuiam eundo periculis in tantam claritudinem breui peruenerat, ut nostris uehementer carus, Numantinis maximo terrori esset. Ac sane, quod difficillimum in primis est, et proelio strenuos erat et bonus consilio, quorum alterum ex prouidentia timorem, alterum ex audacia temeritatem afferre plerumque solet. Igitur imperator omnis fere res asperas per Iugurtham agere, in amicis habere, magis magisque eum in dies amplecti, quippe cuius neque consilium neque inceptum ullum frustra erat. Hoc accedebat munificentia animi atque ingeni sollertia, quibus rebus sibi multos ex Romanis familiari amicitia coniunxerat. |
17] XVII. - Mon sujet parait comporter un court exposé sur la position de l'Afrique et quelques mots sur les nations que nous y avons eues pour ennemies ou pour alliées. Quant aux régions et aux peuplades qui, en raison de la chaleur, des difficultés de toute sorte et de leur état désertique, ont été moins visitées par les voyageurs, je ne saurais rien en dire de certain. Sur les autres, je m'expliquerai brièvement. Dans la division du globe, la plupart des auteurs ont fait de l'Afrique une troisième partie du monde ; quelques-uns ne comptent que l'Asie et l'Europe et placent l'Afrique en Europe. L'Afrique a pour limites, à l'ouest, le détroit qui réunit la méditerranée à l'Océan, à l'est un plateau incliné, appelé par les habitants Catabathmon. La mer y est orageuse, la côte sans ports, la terre fertile, propre à l'élevage, sans arbres, sans eaux de pluie, sans sources. Les hommes sont vigoureux, agiles, rudes à l'ouvrage ; ils meurent généralement de vieillesse, sauf le cas de mort violente par le fer ou les bêtes féroces ; rarement ils succombent à la maladie. Les animaux malfaisants sont nombreux. Quels ont été les premiers habitants de l'Afrique ? Quels sont ceux, qui y sont venus ensuite ? Comment s'est effectué le mélange ? je pense sur ces points autrement que la majorité des auteurs. Les livres carthaginois attribués au roi Hiempsal m'ont été expliqués : ils s'accordent avec les idées des gens de là-bas ; je vais les résumer, laissant d'ailleurs à mes répondants la responsabilité de leurs dires. | [17] Res postulare uidetur Africae situm paucis exponere et eas gentis, quibuscum nobis bellum aut amicitia fuit, attingere. Sed quae loca et nationes ob calorem aut a speritatem, item solitudines minus frequentata sunt, de iis haud facile compertum narrauerim. Cetera quam paucissimis absoluam. In diuisione orbis terrae plerique in parte tertia Africam posuere, pauci tantummodo Asiam et Europam esse, sed Africam in Europa. Ea finis habet ab occidente fretum nostri maris et Oceani, ab ortu solis decliuem latitudinem, quem locum Catabathmon incolae appellant. mare saeuum, importuosum; ager frugum fertilis, bonus pecori, arbori infecundus; caelo terraque penuria aquarum. genus hominum salubri corpore, uelox, patiens laborum; ac plerosque senectus dissoluit, nisi qui ferro aut bestiis interiere, nam morbus haud saepe quemquam superat; ad hoc malefici generis plurima animalia. Sed qui mortales initio Africam habuerint quique postea accesserint aut quo modo inter se permixti sint, quamquam ab ea fama, quae plerosque obtinet, diuersum est, tamen, uti ex libris Punicis, qui regis Hiempsalis dicebantur, interpretatum nobis est utique rem sese habere cultores eius terrae putant, quam paucissimis dicam. Ceterum fides eius rei penes auctores erit. |
[18] XVIII. - L'Afrique, au début, était habitée par les Gétules et les Libyens, rudes, grossiers, nourris de la chair des fauves, mangeant de l'herbe comme des bêtes. Ils n'obéissaient ni à des coutumes, ni à des lois, ni à des chefs ; errants, dispersés, ils s'arrêtaient à l'endroit que la nuit les empêchait de dépasser. Mais, après la mort d'Hercule en Espagne - croyance africaine, - son armée composée de peuples divers, ayant perdu son chef et voyant plusieurs rivaux se disputer le commandement, se débanda bien vite. Les Mèdes, les Perses, les Arméniens passèrent en Afrique sur des bateaux et occupèrent les territoires les plus rapprochés de la Méditerranée. Les Perses s'établirent plus prés de l'Océan, renversèrent les coques de leurs navires pour en faire des cabanes, parce qu'ils ne trouvaient point de matériaux dans le pays et n'avaient aucun moyen de faire des achats ou des échanges en Espagne : l'étendue de la mer et leur ignorance de la langue leur interdisaient tout commerce. Insensiblement, ils s'unirent aux Gétules par des mariages ; et, comme ils avaient fait l'ai de plusieurs régions, allant sans cesse d'un lieu dans un autre, ils se donnèrent le nom de Nomades. Aujourd'hui encore, les maisons des paysans numides, qu'ils appellent mapalia, sont allongées, aux flancs cintrés, et font l'effet de carènes de bateaux. Aux Mèdes et aux Arméniens s'unirent les Libyens qui vivaient plus près de la mer d'Afrique, les Gétules étant plus sous le soleil, non loin des pays caniculaires -, et bien vite ils bâtirent des places fortes ; séparés de l'Espagne par le détroit, ils pratiquaient des échanges avec ce pays. Petit à petit, les Libyens altérèrent le nom des nouveau-venus et, dans leur langue barbare, les appelèrent Maures au lieu de Mèdes. La puissance des Perses ne tarda pas à s'accroître ; et, dans la suite, sous le nom de Numides, les jeunes, en raison de la superpopulation, se séparèrent de leurs pères et s'installèrent dans la région voisine de Carthage appelée Numidie ; puis, s'appuyant sur les anciens habitants, ils se rendirent, par les armes ou la terreur, maîtres des régions voisines, et se firent un nom glorieux, ceux surtout qui s'étaient avancés plus près de la Méditerranée, parce que les Libyens sont moins belliqueux que les Gétules. Enfin, presque tout le nord de l'Afrique appartint aux Numides ; les vaincus se fondirent avec les vainqueurs, qui leur donnèrent leur nom. | [18] Africam initio habuere Gaetuli et Libyes, asperi incultique, quis cibus erat caro ferina atque humi pabulum uti pecoribus. Ii neque moribus neque lege aut imperio cuiusquam regebantur: uagi palantes quas nox coegerat sedes habebant. Sed postquam in Hispania Hercules, sicuti Afri putant, interiit, exercitus eius, compositus ex uariis gentibus, amisso duce ac passim multis sibi quisque imperium petentibus breui dilabitur. Ex eo numero Medi, Persae et Armenii nauibus in Africam transuecti proximos nostro mari locos occupauere, sed Persae intra Oceanum magis, iique alueos nauium inuersos pro tuguriis habuere, quia neque materia in agris neque ab Hispanis emendi aut mutandi copia erat: mare magnum et ignara lingua commercio prohibebant. Ii paulatim per conubia Gaetulos secum miscuere et, quia saepe temptantes agros alia, deinde alia loca petiuerant, semet ipsi Numidas appellauere. Ceterum adhuc aedificia Numidarum agrestium, quae mapalia illi uocant, oblonga, incuruis lateribus, tecta quasi nauium carinae sunt. Medis autem et Armeniis accessere Libyes -- nam ii propius mare Africum agitabant, Gaetuli sub sole magis, haud procul ab ardoribus --, iique mature oppida habuere; nam freto diuisi ab Hispania mutare res inter se instituerant. Nomen eorum paulatim Libyes corrupere, barbara lingua Mauros pro Medis appellantes. Sed res Persarum breui adoleuit, ac postea nomine Numidae, propter multitudinem a parentibus digressi, possedere ea loca, quae proxima Carthaginem Numidia appellatur. Deinde utrique alteris freti finitimos armis aut metu sub imperium suum coegere, nomen gloriamque sibi addidere, magis ii, qui ad nostrum mare processerant, quia Libyes quam Gaetuli minus bellicose. Denique Africae pars inferior pleraque ab Numidis possessa est, uicti omnes in gentem nomenque imperantium concessere. |
[19] XIX. - Dans la suite, les Phéniciens, poussés, les uns par le désir de diminuer chez eux la population, les autres par l'ambition d'étendre leur empire, engagèrent à partir la plèbe et des gens avides de nouveautés, qui fondèrent Hippone, Hadrumète, Leptis, et d'autres villes sur les côtes méditerranéennes ; très vite ces cités prospérèrent et furent, les unes l'appui, les autres la gloire de leur patrie. Quant à Carthage, j'aime mieux n'en rien dire que d'en parler brièvement ; aussi bien ai-je hâte d'aller où mon sujet m'appelle. Ainsi donc, à partir de la région de Catabathmon, qui sépare l'Égypte de l'Afrique, on rencontre d'abord, en suivant la mer, Cyrène, colonie de Théra, puis les deux Syrtes, et entre elles, Leptis, puis les autels des Philènes, limite, du côté de l'Égypte, de l'empire carthaginois, et, en continuant, d'autres villes puniques. Les territoires à la suite, jusqu'à la Mauritanie, appartiennent aux Numides ; les peuples les plus rapprochés de l'Espagne sont les Maures. En arrière de la Numidie sont, dit-on, les Gétules, les uns vivant dans des cabanes, les autres, plus barbares encore, allant à l'aventure. Derrière sont les Éthiopiens, et plus loin enfin, les pays brûlés par le soleil. Au moment de la guerre de Jugurtha, la plupart des places puniques et les territoires Carthaginois que nous possédions depuis peu, étaient administrés par des magistrats romains. Presque tous les Gétules et les Numides jusqu'au fleuve Mulucha étaient sujets de Jugurtha. Tous les Maures avaient pour roi Bocchus, qui ne connaissait que de nom le peuple romain, et que nous ignorions nous-mêmes comme ennemi ou comme ami. De l'Afrique et de ses habitants, j'ai dit tout ce qui était nécessaire à mon sujet. | [19] Postea Phoenices, alii multitudinis domi minuendae gratia, pars imperi cupidine sollicitata plebe et aliis nouarum rerum auidis, Hipponem Hadrumetum Leptim aliasque urbis in ora maritima condidere; eaeque breui multum auctae, pars originibus suis praesidio, aliae decori fuere. Nam de Carthagine silere melius puto quam parum dicere, quoniam alio properare tempus monet. Igitur ad Catabathmon, qui locus Aegyptum ab Africa diuidit, secundo mari prima Cyrene est, colonia Theraeon, ac deinceps duae Syrtes interque eas Leptis, deinde Philaenon arae, quem locum Aegyptum uersus finem imperi habrere Carthaginienses, post aliae Punicae urbes. Cetera loca usque ad Mauretaniam Numidae tenent, proximi Hispaniam Mauri sunt. Super Numidiam Gaetulos accepimus partim in tuguriis, alios incultius uagos agitare, post eos Aethiopas esse, dein loca exusta solis ardoribus. Igitur bello Iugurthino pleraque ex Punicis oppida et finis Carthaginiensium, quos nouissime habuerant, populus Romanus per magistratus administrabat; Gaetulorum magna pars et Numidae usque ad flumen Muluccham sub Iugurtha erant; Mauris omnibus rex Bocchus imperitabat, praeter nomen cetera ignarus populi Romani itemque nobis neque bello neque pace antea cognitus. De Africa et eius incolis ad necessitudinem rei satis dictum. |
[20] XX. - Après le partage du royaume, les délégués du Sénat avaient quitté l'Afrique. Jugurtha, contrairement à ce qu'il redoutait, se voit maître du prix de son crime ; il tient pour assuré ce que ses amis lui avaient affirmé à Numance, que tout, à Rome, était à vendre ; d'autre part, excité par les promesses de ceux que, peu auparavant, il avait comblés de présents, il tourne toutes ses pensées vers le royaume d'Adherbal. Il était ardent, belliqueux ; celui qu'il songeait à attaquer était calme, peu fait pour la guerre, d'esprit tranquille ; c'était une victime toute désignée, plus craintif qu'à craindre. Brusquement, avec une forte troupe, Jugurtha envahit son territoire, fait de nombreux prisonniers, met la main sur les troupeaux et sur d'autre butin, brûle les maisons, et, avec sa cavalerie, pénètre partout en ennemi ; puis, à la tête de toute sa troupe, il rentre dans son royaume. Il se doute bien qu'Adherbal, plein de ressentiment, voudra se venger du tort qu'il lui a fait et qu'ainsi on aura une raison de se battre. Mais ce dernier ne se jugeait pas égal en force à son adversaire, et il avait plus confiance dans l'amitié des Romains, que dans ses Numides. Il envoie donc des députés à Jugurtha pour se plaindre des violences qui lui ont été faites. Malgré la réponse insolente qu'on leur oppose, il aime mieux se résigner à tout que de recommencer la guerre, la précédente lui ayant si mal réussi. L'ambition de Jugurtha n'en est pas diminuée : déjà, par la pensée, il avait conquis tout le royaume d'Adherbal. Aussi n'est-ce pas avec des fourrageurs comme la première fois, mais avec une grande armée qu'il commence la guerre pour conquérir ouvertement toute la Numidie. Partout où il passait, il dévastait villes et champs, raflait du butin, encourageait les siens, terrifiait l'ennemi. | [20] Postquam diuiso regno legati Africa decessere et Iugurtha contra timorem animi praemia sceleris adeptum sese uidet, certum esse ratus, quod ex amicis apud Numantiam acceperat, omnia Romae uenalia esse, simul et illorum pollicitationibus accensus, quos paulo ante muneribus expleuerat, in regnum Adherbalis animum intendit. Ipse acer, bellicosus; at is quem petebat quietus, inbellis, placido ingenio, opportunus iniuriae, metuens magis quam metuendus. Igitur ex improuiso finis eius cum magna manu inuadit, multos mortalis cum pecore atque alia praeda capit, aedificia incendit, pleraque loca hostiliter cum equitatu accedit, deinde, cum omni multitudine in regnum suum conuertit, existimans Adherbalem dolore permotum iniurias suas manu uindicaturum eamque rem belli causam fore. At ille, quod neque se parem armis existimabat et amicitia populi Romani magis quam Numidis fretus erat, lagatos ad Iugurtham de iniuriis questum misit. Qui tametsi contumeliosa dicta rettulerant, prius tamen omnia pati decreuit quam bellum sumere, quia temptatum antea secus cesserat. Neque eo magis cupido Iugurthae minuebatur, quippe qui totum eius regnum animo iam inuaserat. Itaque non uti antea cum praedatoria manu, sed magno exercitu comparato bellum gerere coepit et aperte totius Numidiae imperium petere. Ceterum, qua pergebat, urbis agros uastare, praedas agere, suis animum hostibus terrorem augere. |
XXXVIII. - Jugurtha, se rendant compte de l'insuffisance et de l'impéritie du commandant, travaille par des moyens détournés à accroître encore sa sottise, lui expédiant coup sur coup des envoyés pour le supplier, évitant de rencontrer ses troupes en faisant passer les siennes par des bois et de petits chemins. Enfin, il laisse espérer à Aulus une entente, et il l'amène à abandonner Suthul et à le suivre dans des régions écartées, où il feint de battre en retraite. Aulus pensait que, dans ces conditions il lui serait plus facile de dissimuler son crime. En attendant, des Numides avisés agissaient jour et nuit sur l'armée romaine, cherchant à déterminer les centurions et les chefs d'escadron, soit à passer à Jugurtha, soit à déserter à un signal donné. Quand tout fut arrangé au gré de Jugurtha, en pleine nuit, à l'improviste, une nuée de Numides encercla le camp d'Aulus. Les soldats romains, surpris par cette arrivée en masse à laquelle ils ne s'attendaient pas, se jettent sur leurs armes, ou se cachent ; quelques-uns travaillent à redonner courage aux trembleurs, au milieu de l'épouvante générale. L'ennemi les presse, la nuit et les nuages obscurcissent le ciel, le danger est de tous côtés ; on se demande s'il y a plus de sécurité à fuir qu'à rester en place. Parmi ceux dont j'ai dit plus haut qu'ils s'étaient laissé acheter, une cohorte ligure, deux escadrons thraces et quelques simples soldats passèrent au roi, le centurion primipilaire de la troisième légion donna passage à l'ennemi sur le point du retranchement dont on lui avait confié la défense, et par là tous les Numides se précipitèrent. Les Romains lâchement s'enfuirent, la plupart en jetant leurs armes, et occupèrent une colline toute proche. La nuit et le pillage de notre camp retardèrent les effets de la victoire. Le lendemain, Jugurtha entre en pourparlers avec Aulus : il le tenait étroitement serré, avec son armée, par le fer et la faim ; pourtant, n'oubliant pas les vicissitudes humaines, il consentira, si le Romain veut traiter avec lui, à les épargner, lui et les siens, après les avoir fait passer sous le joug, à la condition que, avant dix jours, il ait quitté la Numidie. Ces conditions étaient pénibles et honteuses ; mais l'imminence de la mort en changeait pour les nôtres le caractère, et la paix fut conclue au gré du roi. | [38] At Iugurtha cognita uanitate atque imperitia legati subdole eius augere amentiam, missitare supplicantis legatos, ipse quasi uitabundus per saltuosa loca et tramites exercitum ductare. Denique Aulum spe pactionis perpulit, uti relicto Suthule in abditas regiones sese ueluti cedentem insequeretur: ita delicta occultiora fuere. Interea per homines callidos diu noctuque exercitum temptabat, centuriones ducesque turmarum, partim uti transfugerent, corrumpere, alii signo dato locum uti desererent. Quae postquam ex sententia instruit, intempesta nocte de improuiso multitudine Numidarum Auli castra circumuenit. milites Romani, perculsi tumultu insolito, arma capere alii, alii se abdere, pars territos confirmare, trepidare omnibus locis. uis magna hostium, caelum nocte atque nubibus obscuratum, periculum anceps; postremo fugere an manere tutius foret, in incerto erat. Sed ex eo numero, quos paulo ante corruptos diximus, cohors una Ligurum cum duabus turmis Thracum et paucis gregariis militibus transiere ad regem, et centurio primi pili tertiae legionis per munitionem, quam uti defenderet acceperat, locum hostibus introeundi dedit, eaque Numidae cuncti irrupere. Nostri foeda fuga, plerique abiectis armis, proximum collem occupauerunt. Nox atque praeda castrorum hostis, quo minus uictoria uterentur, remorata sunt. Deinde Iugurtha postero die cum Aulo in colloquio uerba facit: tametsi ipsum cum exercitu fame et ferro clausum teneret, tamen se memorem humanarum rerum, si secum foedus faceret, incolumis omnis sub iugum missurum; praeterea uti diebus decem Numidia decederet. Quae quamquam grauia et flagiti plena erant, tamen, quia mortis metu mutabantur, sicuti regi libuerat, pax conuenit. |
[39] XXXIX. - Quand ces événements furent connus à Rome, l'épouvante et l'affliction se répandirent dans la cité. Les uns pleuraient sur la gloire de l'empire, les autres, qui ne connaissaient rien à la guerre, tremblaient pour la liberté ; tous s'emportaient contre Aulus, surtout ceux qui s'étaient maintes fois illustrés dans les combats et n'admettaient pas que, tant qu'on avait des armes, on pût chercher le salut dans la honte et non dans la lutte. Aussi, le consul Albinus, devant l'indignation soulevée par le crime de son frère, en redoutait-il pour lui les conséquences fâcheuses ; il consultait le Sénat sur le traité, et, cependant, travaillait à de nouvelles levées, s'adressait aux alliés et aux Latins pour obtenir des troupes auxiliaires, usait en hâte de tous les procédés. Le Sénat, comme il était naturel, décida que, sans son approbation et celle du peuple, aucun traité n'avait de valeur. Les tribuns du peuple ne permirent pas au consul d'emmener avec lui les troupes qu'il avait levées, et, quelques jours après, il partit seul pour l'Afrique : toute l'armée, comme il avait été convenu, avait quitté la Numidie et avait pris ses quartiers d'hiver dans la province romaine. A son arrivée, Albinus désirait vivement se mettre à la poursuite de Jugurtha, pour calmer l'indignation causée par la conduite de son frère ; mais il comprit que le moral du soldat était gâté par la débandade, le relâchement de la discipline, la licence, la mollesse ; et pour toutes ces raisons, il décida de ne rien faire. | [39] Sed ubi ea Romae comperta sunt, metus atque maeror ciuitatem inuasere: pars dolere pro gloria imperi, pars insolita rerum bellicarum timere libertati; Aulo omnes infesti, ac maxime qui bello saepe praeclari fuerant, quod armatus dedecore potius quam manu salutem quaesiuerat. Ob ea consul Albinus ex delicto fratris inuidiam ac deinde periculum timens senatum de foedere consulebat, et tamen interim exercitui supplementum scribere, ab sociis et nomine Latino auxilia arcessere, denique omnibus modis festinare. Senatus ita, uti par fuerat, decernit suo atque populi iniussu nullum potuisse foedus fieri. Consul impeditus a tribunis plebis, ne quas parauerat copias secum portaret, paucis diebus in Africam proficiscitur; nam omnis exercitus, uti conuenerat, Numidia deductus in prouincia hiemabat. Postquam eo uenit, quamquam persequi Iugurtham et mederi fraternae inuidiae animo ardebat, cognitis militibus, quos praeter fugam soluto imperio licentia atque lasciuia corruperat, ex copia rerum statuit sibi nihil agitandum. |
M Lounaci, Professeur de Lettres Classiques Contactez moi