Séquence 3 Le ciel des Romains

Quelques liens sur l'astronomie dans l'Antiquité et la mythologie

 

http://cosmobranche.free.fr/MythesConstellations.htm  les légendes et les constellations

http://expositions.bnf.fr/ciel/index2.htm une expo de la BNF

http://hist.science.free.fr/conferences/confer6/AstronomieAntique.htm l'astronomie antique

La lune prouve que la terre est ronde

Manilius, Astronomica, I,213-232

 

 

 

Te testem dat, luna, sui glomeraminis orbis;
Quæ cum mersa nigris per noctem deficis umbris,
Non omnes pariter confundis sidere gentes:
Sed prius eoæ quærunt tua lumina terræ;
Post, medio subiecta polo quæcumque feruntur;
Ultima ad hesperios infectis volveris alis
Seraque in extremis quatiuntur gentibus æra.
220 Quod si plana foret tellus, semel orta per omnem
Deficeret pariter toti miserabilis orbi.
Sed quia per teretem deducta est terra tumorem,
His modo, post illis apparet Delia terris
Exoriens simul atque cadens; quia fertur in orbem
Ventris et acclivis pariter declivia jungit
Atque alios superat gyros, aliosque relinquit.
Hanc circum variæ gentes hominum atque ferarum
Æriæque colunt volucres. Pars ejus ad arctos
Eminet; austrinis pars est habitabilis oris
230 Sub pedibusque jacet nostris supraque videtur
Ipsa sibi, fallente solo declivia longa
Et pariter surgente via pariterque cadente.

 

 

 

 

 

Je vous appelle vous-même à témoin, astre des nuits, de la sphéricité de notre globe. Lorsqu’au milieu de la nuit vous vous trouvez plongé dans d’épaisses ténèbres, l’ombre qui vous couvre n’épouvante pas toutes les nations à la même heure : les peuples orientaux sont les premiers à qui manque votre lumière; cette perte devient ensuite sensible à ceux qui vous cherchent dans l’ombre; l’obscurité de votre char s’étend enfin sur les nations qui peuplent l’occident; ce sont les dernières qui croient vous rendre votre éclat par le son bruyant des instruments. Si la surface de la terre était plane, il suffirait que vous fussiez sur l’horizon, pour que votre éclipse inquiétât à la même heure toutes les nations. Mais la terre étant de figure sphérique, la déesse de Délos éclaire d’abord un peuple, et puis un autre; elle se lève et se couche au même instant, en tournant autour de hi surface convexe de la terre : si elle monte relativement à un point de cette surface, elle descend relativement à un autre; et quand elle commence dominer sur une partie, elle cesse de dominer sur la partie voisine. La surface de la terre est habitée par diverses nations, par différentes espèces d’animaux, par des oiseaux. Une partie s’élève vers les deux ourses; une autre, également habitable, s’étend vers les climats méridionaux; celle-ci est sous nos pieds, elle nous croit sous les siens : c’est un effet de la pente insensible du globe, dont chaque point est dans un sens plus élevé, dans un autre plus abaissé que celui qui le précède.

 

 

 

 

 

 

 


 

La terre est ronde c'est une évidence

C. PLINII NATVRALIS HISTORIAE LIBER SECVNDVS

 

[1]  Mundum et hoc quodcumque nomine alio caelum appellare libuit, cuius circumflexu degunt cuncta, numen esse credi par est, aeternum, inmensum, neque genitum neque interiturum umquam. huius extera indagare nec interest hominum nec capit humane coniectura mentis.

[2]  sacer est, aeternus, immensus, totus in toto, immo vero ipse totum, infinitus ac finito similis, omnium rerum certus et similis incerto, extra intra cuncta conplexus in se, idemque rerum naturae opus et rerum ipsa natura.

[3]  furor est mensuram eius animo quosdam agitasse atque prodere ausos, alios rursus occasione hinc consumpta aut hic data innumerabiles tradidisse mundos, ut totidem rerum naturas credi oporteret aut, si una omnes incubaret, totidem tamen soles totidemque lunas et cetera etiam in uno et inmensa et innumerabilia sidera, quasi non eaedem quaestiones semper in termino cogitationi sint occursurae desiderio finis alicuius aut, si haec infinitas naturae omnium artifici possit adsignari, non idem illud in uno facilius sit intellegi, tanto praesertim opere. furor est profecto, furor egredi ex eo et, tamquam interna eius cuncta plane iam nota sint, ita scrutari extera, quasi vero mensuram ullius rei possit agere qui sui nesciat, aut mens hominis videre quae mundus ipse non capiat

[4]  furor est profecto, furor egredi ex eo et, tamquam interna eius cuncta plane iam nota sint, ita scrutari extera, quasi vero mensuram ullius rei possit agere qui sui nesciat, aut mens hominis videre quae mundus ipse non capiat.

[5]  Formam eius in speciem orbis absoluti globatam esse nomen in primis et consensus in eo mortalium orbem appellantium, sed et argumenta rerum docent, non solum quia talis figura omnibus sui partibus vergit in sese ac sibi ipsa toleranda est seque includit et continet nullarum egens compagium nec finem aut initium ullis sui partibus sentiens, nec quia ad motum, quo subinde verti mox adparebit, talis aptissima est, sed oculorum quoque probatione, quod convexu mediusque quacumque cernatur, cum id accidere in alia non possit figura.

[6]  Hanc ergo formam eius aeterno et inrequieto ambitu, inenarrabili celeritate, viginti quattuor horarum spatio circumagi solis exortus et occasus haut dubium reliquere. an sit inmensus et ideo sensum aurium excedens tantae molis rotatae vertigine adsidua sonitus, non equidem facile dixerim, non, Hercule, magis quam circumactorum simul tinnitus siderum suosque volventium orbes an dulcis quidam et incredibili suavitate concentus. nobis qui intus agimus iuxta diebus noctibusque tacitus labitur mundus.

Traduction

I. (I) [1] Le monde, ou, ce que l'on est convenu d'appeler d'un autre nom, le ciel, qui embrasse tout dans ses replis, doit être considéré comme une divinité éternelle, immense, sans commencement et sans fin. Rechercher ce qui est en dehors est sans intérêt les hommes, et au-dessus des conjectures de leur esprit. Le monde est sacré, éternel, immense, tout dans tout, et, a bien dire, il est lui-même le tout; infini, il semble être fini; possédant la certitude de toutes choses, il semble livré à l'incertitude; au dehors, au dedans, il renferme tout en soi; il est à la fois l'œuvre de la nature et la nature elle-même.

[2] Ce fut une folie à quelques-uns de s'être occupés à en chercher l'étendue, et d'avoir eu la prétention de l'indiquer; ce fut une folie à d'autres, qui s'appuyèrent de ces essais ou qui y donnèrent lieu, d'assurer qu'il y avait une infinité de mondes; de sorte qu'il faudrait croire ou à une infinité de natures, ou, si une seule nature présidait à tout, à une infinité de soleils, à une infinité de lunes, et autres astres, qui seraient, comme ils le sont déjà dans notre seul monde, immenses et innombrables. Est-ce que la pensée arrivée au terme ne se fera pas toujours la même question, par le désir de toucher à une limite? ou, si l'on peut accorder l'infini à la nature artisan de tout, n'est-il pas plus facile de concevoir cet Infini dans une seule oeuvre, surtout si l'on se représente combien elle est grande?

Folie, pure folie, de vouloir sortir du monde et d'en scruter l'extérieur, comme si l'intérieur en était déjà tellement connu ! Et d'ailleurs, comment un être qui ne connaît pas sa propre mesure pourrait-il mesurer quoique ce soit? ou l'esprit de l'homme voir des choses que le monde lui-même ne renferme pas?

II (II) [1] Le monde a la forme d'un globe parfait, ce qu'indique d'abord ce nom de globe que les hommes lui ont donné unanimement; puis les faits le démontrent. En effet, non seulement une telle figure a toutes ses parties convergentes l'une vers l'autre, elle se supporte elle-même, elle se renferme et se contient, n'ayant besoin d'aucun lien, et ne présentant nulle part ni commencement ni fin : [2] non seulement elle est la plus appropriée au mode de révolution qui, comme nous le verrons bientôt, lui appartient, mais encore les yeux en rendent témoignage; car, de quelque point qu'on le regarde, il offre une voûte dont le spectateur occupe le centre, ce qui ne peut être que dans la figure sphérique.

III. (III). [1] Cette figure, animée d'un mouvement éternel et sans repos, exécute sa révolution avec une vitesse ineffable dans l'espace de vingt-quatre heures : c'est un fait sur lequel le lever et le coucher du soleil n'ont laissé aucun doute. Faut-il croire que le bruit produit par la rotation perpétuelle d'une masse aussi énorme est infini, et par là échappe à notre ouïe? C'est ce que je ne puis dire, pas plus que je ne dirai si le son produit par les astres qui se meuvent ensemble dans leurs orbes est un concert d'une harmonie et d'une suavité incroyable.

[2] Pour nous, placés dans l'intérieur, le monde, le jour comme la nuit, chemine silencieusement.

Lactance, La terre n'est pas ronde

CAPUT XXIV. De antipodibus, de coelo ac sideribus.

Quid illi, qui esse contrarios vestigiis nostris Antipodas putant, num aliquid loquuntur? aut est quisquam tam ineptus, qui credat esse homines, quorum vestigia sint superiora, quam capita? aut ibi, quae apud nos jacent, inversa pendere? fruges et arbores deorsum versus crescere? pluvias, et nives, et grandinem sursum versus cadere in terram? Et miratur aliquis, hortos pensiles inter septem mira narrari, cum philosophi et agros, et maria, et urbes, et montes pensiles faciant?

(Hujus quoque erroris aperienda nobis origo est. Nam semper eodem modo falluntur. Cum enim falsum aliquid in principio sumpserint, veri similitudine inducti, necesse est eos in ea, quae consequuntur, incurrere. Sic incidunt in multa ridicula; quia necesse est falsa esse, quae rebus falsis congruunt. Cum autem primis habuerint fidem, qualia sint ea, quae sequuntur, non circumspiciunt, sed defendunt omni modo; cum debeant prima illa, utrumne vera sint, an falsa, ex consequentibus judicare.

Quae igitur illos ad Antipodas ratio perduxit? Videbant siderum cursus in occasum meantium; solem atque lunam in eamdem partem semper occidere, atque oriri semper ab eadem. Cum autem non perspicerent, quae machinatio cursus eorum temperaret, nec quomodo ab occasu ad orientem remearent, coelum autem ipsum in omnes partes putarent esse devexum, quod sic videri, propter immensam latitudinem necesse est: existimaverunt, rotundum esse mundum sicut pilam, et ex motu siderum opinati sunt coelum volvi, sic astra solemque, cum occiderint, volubilitate ipsa mundi ad ortum referri. Itaque et aereos orbes fabricati sunt, quasi ad figuram mundi, eosque caelarunt portentosis quibusdam simulacris, quae astra esse dicerent. Hanc igitur coeli rotunditatem illud sequebatur, ut terra in medio sinu ejus esset inclusa.

Quod si ita esset, etiam ipsam terram globo similem; neque enim fieri posset, ut non esset rotundum, quod rotundo conclusum teneretur. Si autem rotunda etiam terra esset, necesse esse, ut in omnes coeli partes eamdem faciem gerat, id est montes erigat, campos tendat, maria consternat. Quod si esset, etiam sequebatur illud extremum, ut nulla sit pars terrae, quae non ab hominibus caeterisque animalibus incolatur. Sic pendulos istos Antipodas coeli rotunditas adinvenit.)

Quod si quaeras ab iis, qui haec portenta defendunt, quomodo non cadunt omnia in inferiorem illam coeli partem; respondent, hanc rerum esse naturam, ut pondera in medium ferantur, et ad medium connexa sint omnia, sicut radios videmus in rota; quae autem levia sunt, ut nebula, fumus, ignis, a medio deferantur, ut coelum petant.

Quid dicam de iis nescio, qui, cum semel aberraverint, constanter in stultitia perseverant, et vanis vana defendunt; nisi quod eos interdum puto, aut joci causa philosophari, aut prudentes et scios mendacia defendenda suscipere, quasi ut ingenia sua in malis rebus exerceant, vel ostendant. At ego multis argumentis probare possem, nullo modo fieri posse, ut coelum terra sit inferius, nisi et liber jam concludendus esset, et adhuc aliqua restarent, quae magis sunt praesenti operi necessaria. Et quoniam singulorum errores percurrere non est unius libri opus, satis sit pauca enumerasse, ex quibus possit qualia sint caetera intelligi.

Archimède, un scientifique

Archimède, De la sphère et du cylindre, livre I, corollaire de la proposition 34 :

« [ΠΟΡΙΣΜΑ.]

     Προδεδειγμένων δὲ τούτων φανερὸν ὅτι πᾶς κύλινδρος βάσιν μὲν ἔχων τὸν μέγιστον κύκλον τῶν ἐν τῇ σφαίρᾳ, ὕψος δὲ ἴσον τῇ διαμέτρῳ τῆς σφαίρας, ἡμιόλιός ἐστι τῆς σφαίρας καὶ ἡ ἐπιφάνεια αὐτοῦ μετὰ τῶν βάσεων ἡμιολία τῆς ἐπιφανείας τῆς σφαίρας.

     Ὁ μὲν γὰρ κύλινδρος ὁ προειρημένος ἑξαπλάσιός ἐστι τοῦ κώνου τοῦ βάσιν μὲν ἔχοντος τὴν αὐτήν, ὕψος δὲ ἴσον τῇ ἐκ τοῦ κέντρου, ἡ δὲ σφαῖρα δέδεικται τοῦ αὐτοῦ κώνου τετραπλασία οὖσα· δῆλον οὖν ὅτι ὁ κύλινδρος ἡμιόλιός ἐστι τῆς σφαίρας. Πάλιν, ἐπεὶ ἡ ἐπιφάνεια τοῦ κυλίνδρου χωρὶς τῶν βάσεων ἴση δέδεικται κύκλῳ, οὗ ἡ ἐκ τοῦ κέντρου μέση ἀνάλογόν ἐστι τῆς τοῦ κυλίνδρου πλευρᾶς καὶ τῆς διαμέτρου τῆς βάσεως, τοῦ δὲ εἰρημένου κυλίνδρου τοῦ περὶ τὴν σφαῖραν ἡ πλευρὰ ἴση ἐστὶ τῇ διαμέτρῳ τῆς βάσεως [δῆλον ὅτι ἡ μέση αὐτῶν ἀνάλογον ἴση γίνεται τῇ διαμέτρῳ τῆς βάσεως], ὁ δὲ κύκλος ὁ τὴν ἐκ τοῦ κέντρου ἔχων ἴσην τῇ διαμέτρῳ τῆς βάσεως τετραπλάσιός ἐστι τῆς βάσεως, τουτέστι τοῦ μεγίστου κύκλου τῶν ἐν τῇ σφαίρᾳ, ἔσται ἄρα καὶ ἡ ἐπιφάνεια τοῦ κυλίνδρου χωρὶς τῶν βάσεων τετραπλασία τοῦ μεγίστου κύκλου· ὅλη ἄρα μετὰ τῶν βάσεων ἡ ἐπιφάνεια τοῦ κυλίνδρου ἑξαπλασία ἔσται τοῦ μεγίστου κύκλου. Ἔστιν δὲ καὶ ἡ τῆς σφαίρας ἐπιφάνεια τετραπλασία τοῦ μεγίστου κύκλου. Ὅλη ἄρα ἡ ἐπιφάνεια τοῦ κυλίνδρου ἡμιολία ἐστὶ τῆς ἐπιφανείας τῆς σφαίρας.

« Corollaire.
Ces propositions étant démontrées, il est évident que tout cylindre ayant pour base le grand cercle d’une sphère et une hauteur égale au diamètre de cette sphère est équivalent aux trois demis de la sphère et que sa surface, bases comprises, est équivalente aux trois demis de la surface de la sphère.
     Le cylindre indiqué est en effet équivalent au sextuple du cône ayant la même base et une hauteur égale au rayon de la sphère alors que la sphère, comme nous l’avons démontré, est équivalente au quadruple du même cône. Il est donc évident que le cylindre est équivalent aux trois demis de la sphère. D’autre part, puisqu’on a démontré que la surface du cylindre, sans les bases, est équivalente à un cercle dont le rayon est la moyenne proportionnelle entre la génératrice du cylindre et le diamètre de la base, que la génératrice du cylindre indiqué, circonscrit à la sphère, est égale au diamètre de la base, ce qui est évident en vertu de l’égalité entre la moyenne proportionnelle de ces segments et le diamètre de la base, que le cercle dont le rayon est égal au diamètre de la base a une aire quadruple de celle de la base, c’est-à-dire quadruple du grand cercle de la sphère, la surface du cylindre sans les bases sera équivalente au quadruple du grand cercle. Il s’ensuit que la surface totale du cylindre, bases comprises, sera équivalente au sextuple du grand cercle. Mais la surface de la sphère est, elle aussi, équivalente au quadruple du grand cercle. La surface totale du cylindre est par conséquent égale au trois demis de la surface de la sphère. »


Archimède était tellement fier d’avoir découvert cette propriété de la sphère et du cylindre qu’il la mentionne au début de sa lettre à Dosithée, en tête de son ouvrage De la sphère et du cylindre.

Document 3 : Plutarque, Vies : Marcellus, XVII, 5-12 : La mort d’Archimède ; la sphère inscrite dans un cylindre sur son tombeau :

« [XVII] 5. Archimède avait un esprit si élevé et si profond et avait acquis un si riche trésor d’observations scientifiques que, sur les inventions qui lui ont valu le renom et la réputation d’une intelligence non pas humaine, mais divine, il ne voulut laisser aucun écrit ; 6. il tenait la mécanique et en général tous les arts qui touchent aux besoins de la vie pour de vils métiers manuels et il consacrait son zèle aux seuls objets dont la beauté et l’excellence ne sont mêlées d’aucune nécessité matérielle, 7 qui ne peuvent être comparés aux autres, et dans lesquels la démonstration rivalise avec le sujet, celui-ci fournissant la grandeur et la beauté, celle-là une exactitude et une puissance surnaturelles. 8 Il n’est pas possible de trouver dans la géométrie des propositions plus difficiles et plus abstraites, exposées suivants des principes plus simples et plus clairs. 9 Les uns attribuèrent ce résultat au génie naturel d’Archimède, les autres à un excès de labeur grâce à quoi chacun de ses travaux semble avoir été fait aisément et sans peine. 10 Cherchez la démonstration, vous ne la trouverez pas tout seul ; mais, dès que vous l’aurez apprise, vous penserez que vous auriez pu la trouver tout seul, tellement est unie et rapide la route par laquelle il vous conduit à la preuve. 11 On ne peut donc pas mettre en doute ce qu’on dit de lui, à savoir que, ensorcelé sans cesse par une sorte de sirène privée et domestique, il en oubliait de manger et négligeait le soin de sa personne ; souvent même, entraîné malgré lui au bain et au massage, il traçait des figures de géométrie sur les cendres du foyer et, sur son corps frotté d’huile, il tirait des lignes avec son doigt, car il était en proie à une extrême passion et vraiment possédé des Muses. 12 Autour de belles et nombreuses découvertes, il pria, dit-on, ses amis et ses parents de placer sur sa tombe, après sa mort, une sphère inscrite dans un cylindre et d’y indiquer la proportion entre les volumes de ces deux solides. »

     Comme le précise Plutarque, c’est ce dessin de la sphère circonscrite dans le cylindre qu’il voulut voir sur son tombeau. L’expression « indiquer [sur sa tombe] la proportion entre les volumes de ces deux solides » révèle le lien entre le schéma et la découverte mathématique, donc toute la fierté d’Archimède pour cette invention, qui devait contribuer à son immortalité. De même, à l’époque moderne, les mathématiciens Carl Friedrich Gauss et Jacques Bernoulli ont souhaité que soient représentées sur leurs tombes les figures géométriques qui faisaient leur fierté, respectivement la figure du polygone régulier de 17 côtés et celle de la spirale logarithmique.

Document 4 : Cicéron, Tusculanes, V, 64-67 : Cicéron découvre à Syracuse le tombeau d’Archimède :

« (64) Contentons-nous de la comparer [= la vie du tyran Denys de Syracuse] avec celle d’un homme assez obscur, et compatriote de Denys, mais qui a vécu longtemps après. Je parle d’Archimède, que je veux tout de nouveau tirer de la poussière, l’ayant déjà en quelque manière ressuscité autrefois. Car pendant que j’étais questeur en Sicile, je fus curieux de m’informer de son tombeau à Syracuse, où je trouvai qu’on le connaissait si peu, qu’on disait qu’il n’en restait aucun vestige ; mais je le cherchai avec tant de soin, que je le déterrai enfin sous des ronces et des épines. Je fis cette découverte à la faveur de quelques vers, que je savais avoir été gravés sur son monument, et qui portaient qu’on avait placé au-dessus une sphère et un cylindre. (65) M’étant donc transporté hors de l’une des portes de Syracuse, dans une campagne couverte d’un grand nombre de tombeaux, et regardant de toutes parts avec attention, je découvris sur une petite colonne qui s’élevait par-dessus les buissons, le cylindre et la sphère que je cherchais. Je dis aussitôt aux principaux Syracusains qui m’accompagnaient, que c’était sans doute le monument d’Archimède. En effet, sitôt qu’on eut fait venir des gens pour couper les buissons, et nous faire un passage, (66) nous nous approchâmes de la colonne, et lûmes sur la base l’inscription, dont les vers étaient encore à demi lisibles, le reste ayant été effacé par le temps. Et c’est ainsi qu’une des plus illustres cités de la Grèce, et qui a autrefois produit tant de savants, ignorerait encore où est le tombeau du plus ingénieux de ses citoyens, si un homme de la petite ville d’Arpinum n’était allé le lui apprendre.
Mais revenons à mon sujet. Quel est l’homme qui ait quelque commerce, je ne dis pas avec les Muses, mais avec des hommes tant soit peu doués d’humanité et d’érudition, qui n’aimât mieux être à la place du mathématicien qu’à celle du tyran ? Si vous considérez quelle a été leur vie, Archimède, continuellement appliqué à faire des observations et des recherches utiles, jouissait tranquillement de la satisfaction que donnent d’heureuses découvertes, la plus délicieuse nourriture de l’esprit pendant que Denys, occupé sans cesse de meurtres et de forfaits, passait les jours et les nuits dans d’éternelles alarmes. Que serait-ce, si nous lui comparions un Démocrite, un Pythagore, un Anaxagore ! Quels royaumes, quelles richesses peuvent valoir les charmes de leurs études ? (67) Tout ce qui peut le plus flatter l’homme, n’est-ce pas ce qui appartient à la plus noble portion de lui-même, et par conséquent à son intelligence ? » 
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