Indépendance (2)
- Professionnalisme présumé et indépendance garantie

Entendu dans l’émission du 6 octobre 2005 de Jean-Marc Morandini sur Europe 1. Invitée, Arlette Chabot, répond à la question d’une auditrice :

- Auditrice : « Bonjour merci d’avoir sélectionné ma question. Je voulais poser la question suivante à Arlette Chabot : est-ce qu’elle connaît un pays au monde où dans le service public, le journal télévisé est présenté par la femme d’un premier ministre en exercice ?...  »
- Arlette Chabot : « [...] Notre position est simple. On avait évoqué le cas de Béatrice Schönberg il y a quelques mois, bon il y a un changement d’état civil qui ne change rien, au fond, sur la confiance qu’on a placé en Béatrice. D’ailleurs je ne crois pas qu’il y ait la moindre difficulté sur son travail ou la moindre, comment dirais-je, polémique sur ce qu’elle dit ou ce qu’elle fait à l’antenne, depuis la rentrée. Or pourtant il y a beaucoup d’actualité qui arrive le week-end qui peut coincer... enfin qui porte ou qui concerne quelqu’un qui est assez proche d’elle. Donc je crois que notre position et celle de Patrick de Carolis a été de dire [...] que Béatrice est une grande professionnelle, qu’on lui fait parfaitement confiance, et de plus je répète, c’est valable pour elle comme pour tous les présentateurs de France 2, qu’elle n’est pas responsable du journal, qu’il y a une équipe de rédaction en chef, qu’il y a la rédaction de France 2 et qu’il y a une direction de l’information. Donc voilà, donc pas de changement, et puis moi je ne ferais pas référence à des pays y compris anglo-saxons, où on a vu une très grande journaliste, qui est pour moi une des plus grandes journalistes aujourd’hui américaines, qui effectivement a épousé le porte-parole de l’équivalent du ministre des affaires étrangères, ça ne l’a jamais empêché de dire ce qu’elle pensait des politiques américaines. Je crois qu’on peut faire bien son travail quand même. ».

Dont acte. Si la présentatrice était compétente avant son « changement d’état civil », pourquoi ne le serait-elle pas après ? Et si ça se fait ailleurs, ça n’est forcément pas mauvais... Avouons-le : la connivence socialement conditionnée peut préexister à des relations intimes et ne rien devoir aux relations matrimoniales.

Indépendance (3)
- PPDA, patron du JT de 20 heures commenté par Chomsky et Herman

PPDA se proclame patron indépendant du JT de 20h

- Ivan Levaï : - « Moi, je dois dire... Je vous l’dis, hein : je suis très admiratif. Mais j’ai une question à vous poser : Est-ce que vous êtes le patron du journal de 20 heures de TF1 ? C’est-à-dire : ce qui s’y dit, ce qui s’y montre, est-ce que c’est du pur Poivre d’Arvor ? Est-ce que... »
- Patrick Poivre d’Arvor : - « Oui. Totalement. Totalement... [2] »
- Ivan Levaï : « C’est vrai ? »
- Patrick Poivre d’Arvor : « ...Donc j’assume. Oui oui. Y compris si c’est pas bon. Faites-m’en le reproche mais, vraiment, je suis le patron . C’est d’ailleurs ce qui me différencie de ce que je faisais quand j’étais sur la 2, où je n’étais pas le patron. Et, là, aujourd’hui, c’est une décision que j’ai demandée et qu’on a prise, il y a dix-huit ans, quand j’ai recommencé sur la Une, à savoir d’être le patron. Parce que ça me permet d’avoir des décisions uniformes et beaucoup plus rapides. [...] Mais je vous garantis et je vous jure - croyez-moi, s’il vous plaît - : Patrick [Le Lay] ne m’a rien demandé depuis au moins trois ans. Quant à Etienne Mougeotte, il a dû me demander, me passer un coup de téléphone dans les six derniers mois. Le reste étant des coups de téléphone plus généraux où on fait ensemble un peu notre petit café du commerce politique (car il adore la politique). Mais, sur ces sujets-là, il me fait confiance. Si un jour, ça doit pas marcher, eh ben... Si je fais une faute, j’en paierai les conséquences, et Dieu sait si j’en ai déjà payé quelques conséquences. »
- Ivan Levaï : « Merci Patrick, et bon week-end. »
- Patrick Poivre d’Arvor : « Merci. Merci beaucoup, Ivan. »

(Patrick Poivre d’Arvor, in « Les grands prêtres de la grande messe : un drôle de métier, le présentateur du journal : Patrick Poivre d’Arvor, David Pujadas, Christophe Hondelatte, Patrick Roger », Inter Média, émission d’Ivan Levaï et Sophie Loubière, samedi 8 octobre 2005, à 21mn55s puis 27mn50s du début)

Noam Chomsky et Edward S. Herman avaient répondu par avance

« Le modèle de propagande nous aide à percevoir comment les personnels médiatiques s’adaptent volontairement - ou sont amenés à s’adapter - aux exigences du système : étant donné les impératifs de l’organisation d’entreprise et le fonctionnement des divers filtres, leur réussite exige d’eux qu’ils se conforment aux besoins et aux intérêts des secteurs privilégiés. Dans les médias comme dans toute autre institution d’importance, ceux qui n’affichent pas les valeurs et les perspectives requises risquent d’être considérés comme des « irresponsables », des « idéologues » - c’est-à-dire comme des aberrations qu’il vaut mieux larguer en route. Il est possible que quelques exceptions réussissent à subsister mais le schéma est envahissant et tout y est prévu. Ceux qui s’y adaptent en toute honnêteté seront libres de s’exprimer sans grand contrôle institutionnel et il leur sera facile d’affirmer qu’ils ne ressentent aucune obligation de se conformer au modèle : les médias sont « libres », en effet, pour ceux qui adoptent les principes nécessaires à leur « dessein social ». [...] Les mass media sont des institutions idéologiques efficaces et puissantes et leur modèle de propagande dépend [...] d’une intériorisation des hypothèses consensuelles et de l’autocensure, sans qu’il soit besoin de recourir à une coercition ouverte. »

(Noam Chomsky, Edward S. Herman, La fabrique de l’opinion publique. La politique économique des médias américains, 1988, tr. fr. : Le Serpent à plumes, 2003, pp. 239-240, 242) - Transcription et commentaire de Ian.

Source:

http://www.acrimed.org/Lu-vu-entendu-Independances-et-complots

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