STRUCTURE INTÉGRALE DE LA PIĖCE
PROLOGUE vers 1- 261
Le πρόλογος est le moment où les personnages principaux sont présentés.
La pièce s’ouvre par un prologue à deux personnages, le père et son fils
L’action est située à Athènes chez Strepsiade
Le moment de l’action se situe au Ve siècle avant notre ère. C’est l’époque où fleurissent à Athènes des écoles de rhétorique animées notamment par les Sophistes.
PARODOS 1 vers 262 – 274
Le πάροδος est l’entrée en fanfare du choeur, qui chante et danse.
CHOEUR 1 vers 356 – 391 Entrée du chœur des Nuées.
PARABASE DU CHOEUR vers 510 – 626
La παράϐασις est un intermède où le coryphée, rompant l'illusion théâtrale, s'adresse aux spectateurs pour délivrer un discours de politique générale ou plus prosaïquement faire la publicité de l'auteur, souvent aux dépens des concurrents.
SCENE LYRIQUE 1 vers 627 - 887
AGON 1 vers 889 – 919
L’ἀγών est la lutte, au sens propre ou figuré, entre le héros et son ou ses adversaires, arbitrée par le coryphée (chef du chœur), qui s'achève par le triomphe du héros.
EPISODE 2 vers 1105 - 1112
PARABASE 3 vers 1113 - 1130
SCENE LYRIQUE 2 vers 1131 - 1153
CHOEUR 2 vers 1303 - 1320
EPISODE 3 vers 1321 - 1344
AGON 2 vers 1345 - 1451
EPISODE 4 vers 1452 - 1475
EXODE vers 1476 – 1510
L’ ἔξοδος est la sortie du chœur et le triomphe du héros.
Quelques extraits des Nuées
LES NUÉES
(423)
Devant la maison de Strepsiade à laquelle fait face celle de Socrate
1-74 : l’Athénien Strepsiade se plaint de son fils Philippide dont le goût pour les sports équestres le ruine. Désabusé, il se met à regretter son mariage.
75-124 : Strepsiade décide d’envoyer son fils apprendre l’art de défendre les mauvaises causes auprès de Socrate. Ainsi, pense-t-il, il sera possible de déjouer les arguments pourtant justifiés de ses créanciers. Or, Philippide refuse.
125-183 : Strepsiade décide d’aller lui même s’instruire chez Socrate.
184-217 : un disciple du maître tente de lui prouver les vertus de l’enseignement socratique.
218-313 : Strepsiade découvre Socrate méditant suspendu en l’air dans un panier et invoquant ses divinités les Nuées. Celles-ci s’approchent du maître en chantant.
314-509 : Socrate révèle à Strepsiade que les dieux n’existent guère et que tous les phénomènes s’expliquent par le Ciel. Il promet à son visiteur de faire de lui un violent débateur grâce à la force de ses leçons.
506-626 : le coryphée fait l’éloge d’Aristophane et proclame la bienveillance des Nuées pour les honnêtes gens.
627-745 : Socrate chasse de chez lui Strepsiade qui s’est révélé un élève calamiteux. Seule une méditation solitaire permettra à son disciple de s’améliorer.
783-866 : Strepsiade décide d’envoyer à sa place son fils chez Socrate. Tout en lui faisant étalage de ses nouvelles connaissances théologiques, il emmène Philippide jusqu’à la maison du maître.
867-888 : Socrate présente au jeune homme les Deux raisonnements qui résident chez lui, le Juste et l’Injuste.
889-1114 : bientôt, les deux allégories se disputent. Le Raisonnement juste vante les mérites de l’éducation d’antan alors que le Raisonnement injuste propose à Philippide de suivre la voie de l’immoralité. Le Juste capitule et le jeune homme consent à suivre l’Injuste.
1115-1130 : les Nuées s’autoglorifient et menacent les méchants d’une pluie de grêle.
1131-1176 : Socrate rend à Strepsiade un fils désormais inculqué dans l’art de bien parler.
1177-1212 : Philippide dit à son père qu’il peut avec aisance contester ses créanciers et lui fournit quelques astuces.
1213-1302 : deux créanciers sont victimes des l’argumentation inattaquable que son fils lui a révélée.
1303-1475 : revenant d’un banquet organisé par son fils, Strepsiade est outré : Philippide vient de le battre puis de justifier froidement son attitude. Il conteste les théories de Socrate. Le malheureux père raconte au chœur sa mésaventure et comprend tout le danger de l’enseignement socratique.
1475-1510 : pour se venger de Socrate et avec le consentement des dieux et de la Justice, Strepsiade va incendier la maison du philosophe.
UN MARIAGE RATÉ
Strepsiade
Je désire sa mort, celle qui me maria
Avec ta mère. Avant, j'avais la belle vie
À la campagne au sein d'une grande maison :
Pas de coups de balai ! Abeilles à foison !
J'avais quelques brebis et de bonnes olives.
Soudain, la nièce de Mégaclès nous arrive.
Moi, j'étais campagnard, elle était citadine,
Une prétentieuse, une vraie gourgandine.
Lors du repas nuptial, je sentais bon le vin,
Le fromage frais, la laine, bref, l'abondance.
Par contre, elle, sentait les baisers, le parfum,
Le safran, la dépense...
RENCONTRE AVEC SOCRATE
Le Chœur des nuées
Je te salue patron des subtils baratins,
Expose tes desseins. Parmi tant de parleurs
Diserts dont les propos se perdent dans les airs
Nul autre que toi ne répond mieux aux attentes,
Si ce n’est Prodicos : lui, pour son jugement,
Sa parole sensée, et toi pour ta façon
De marcher droitement, fièrement dans les rues,
De loucher sur les gens et de marcher pieds-nus
- Mais que tu dois souffrir ! -, et ce visage grave.
Strespsiade
Par Gaia ! Quelle voix ! Sacrée, prodigieuse...
Socrate
Saintes sont les nuées ; le reste est âneries !
Strepsiade
Mais au nom de Gaia, notre Zeus Olympien
Est-il vraiment divin ?
Socrate
Qui ça ! Zeus ! Quelle erreur ! Mais il n’existe point !
Strepsiade
Quoi ! Que me dis-tu là ? Alors qui fait la pluie ?
Explique-moi d’abord cela, je t'en supplie !
Socrate
Ce sont elles, bien sûr ! Je vais te le prouver.
Voyons, ce Zeus, l’as-tu vu pleuvoir sans nuées ?
Il pourrait aussi bien le faire par beau temps
Quand celles-ci ne sont visibles dans les cieux.
Strepsiade
Pour cette question, tes vues sont pertinentes.
Dire qu’auparavant, je croyais simplement
Que notre dieu pissait à travers une passoire.
Mais le tonnerre, enfin, ce fracas qui me mine ?
Socrate
Ce sont les nuées qui tonnent par leur roulis.
Strepsiade
Explique-moi, ô maître à l'audace infinie.
Socrate
Une fois remplies d’eau, forcées de se mouvoir,
Elles flottent très bas toutes gorgées de pluie.
Alourdi, tout ce flot finit par éclater.
Strepsiade
Celui qui les contraint, c’est la Divinité ?
Socrate
Non, non, pas du tout ! C’est le tourbillon des airs.
Strepsiade
Un tourbillon ? Ma foi, je n’y ai pas pensé.
Il n’y a pas de Zeus, et seul Tourbillon est !
LA JEUNESSE D'ANTAN
Je vais vous relater l'ancienne éducation
Du temps où je passais un temps appréciable
À vanter la justice et l'humble tempérance.
L'enfant devait alors, en toutes circonstances,
Ne pas parler trop fort, bref garder le silence !
Et lorsqu'on se rendait chez le prof de musique,
Il fallait autrefois dans la rue marcher droit,
Bien serré, revêtu d'une simple tunique,
Et tant pis pour le froid. Sans serrer les mollets,
On chantait tous en chœur ces glorieux couplets :
« L'invincible Pallas qui défait les cités ».
Et chacun s'appliquait à conserver ces chants,
Ces testaments légués par nos pieux ascendants.
À la moindre incartade, et dès qu'on pratiquait
Ces inepties - en vogue aujourd'hui - on était,
Sans délai, châtié de façon corporelle.
Chez le gymnaste, enfin, les cuisses étendues
Chacun restait assis, pour ne pas exposer
Au regard du public des choses malvenues.
On prenait alors soin d'effacer aussitôt,
Quand on était debout, toute trace laissée
Par l'intime instrument, celui que des ballots
Apprécient d'un peu près. Les gamins de ce temps
Ne mettaient jamais d'huile en dessous du nombril,
Si bien qu'aux alentours de leur sexe poussait
Doux comme un jeune coing, un caressant duvet.
C'est d'un œil ingénu qu'on approchait l'éraste.
Au banquet, nul n'osait manger avant les vieux,
Ni toucher aux douceurs, ni rire comme un fou,
Pas de jambes croisées. C'est ainsi, voyez-vous,
Avec ces vieilleries que l'éducation
A forgé les héros vainqueurs à Marathon...
...Aussi, jeune homme, c'est sans contestation,
Qu'il te faut me choisir ! Évite les bains chauds,
Rougis devant la honte, hais la place publique.
Tu es moqué ? Répond par de rudes répliques.
Lève-toi quand tu vois passer de vieilles gens.
Sois sans faille à l'égard de tes pauvres parents.
Pour paraître gentil ne sois pas impudique :
Ne t'aventure point avec quelque danseuse
De peur d'être insulté par l'une de ces gueuses :
Ta réputation en souffrirait beaucoup.
Ne réplique jamais à ton père, et surtout
Ne lui rappelle pas son âge, il te vénère...
L'ADOLESCENT IDÉAL
Tu iras au gymnase, un teint rose d'éclat,
Au lieu de babiller en vain à l'Agora
Comme le font certains, au lieu de t'abîmer
L'esprit en usant de mille finasseries.
Tu viendras t'entraîner sous les saints oliviers
De l'Académie, ceint d'une couronne blanche
De joncs, déambulant avec ton compagnon,
Respirant dans la paix le parfum embaumé
Des anciens peupliers secoués par le vent,
Goûtant au charme pur du printemps, lorsque l'orme
Et le platane exquis parlent en chuchotant.
LE RAISONNEMENT INJUSTE
Philippide, je vais te montrer le danger
Qu'il y a pour toi-même à nier les plaisirs,
À refuser la vie, les femmes, les garçons,
Le vin, que sais-je encore... Oui, s'il faut te priver
De tout cela, autant ne plus vivre sur terre !
Voyons, examinons les naturels besoins !
Tu veux baiser ? On t'a surpris en adultère.
Tu te sens bien gêné, tu préfères te taire ?
Grâce à moi, tu ne te sentiras plus morveux !
Tu suivras ton instinct, tu pourras être heureux.
Surpris à copuler ? Nie que tu es coupable !
Rends responsable Zeus, ce bécoteur de femmes !
Car, en effet, comment, toi un pauvre mortel,
Pourrais-tu devenir plus fort qu’un Immortel ?
CONTRE SOCRATE
Selon lui, Simonide était piètre écrivain.
D'abord je ne dis mot ! Puis je me décidai
À clamer de l'Eschyle : il s'écria soudain :
« Eschyle est le meilleur, mais dans l'incohérence,
Le vacarme rugueux et la grandiloquence ! »
Je fus bien irrité mais gardai le silence.
« Déclame-moi des vers de nos nouveaux poètes ! »
Lui dis-je ; et il chanta un morceau d'Euripide,
Où il était question, par tous nos dieux, d'inceste !
Je ne pus m'empêcher de lâcher des injures.
Il m'insulta de même et se jeta sur moi :
Il me pulvérisa, me cogna, me broya !